La fin d’année 2021 a été riche en informations publiées sur les enduits, ce qui a généré de nombreux débats et interrogations au sein de la filière des professionnels de l’amiante. Faisons le point sur ce sujet qui a fait couler beaucoup d’encre.
Les opérateurs de diagnostic procédant au repérage des matériaux et produits contenant de l’amiante (MPCA) doivent rechercher la présence d’amiante dans des parties de composants de la construction, dont la liste est définie réglementairement par le décret 2011-629 du 3 juin 2011, décret modifiant le chapitre amiante du code de la santé publique. C’est précisément l’annexe 13-9 qui définit le programme de repérage que les opérateurs de diagnostic doivent appliquer en fonction du contexte dans lequel ils effectuent leur repérage : listes A et B pour un repérage réalisé dans le cadre d’une vente par exemple, ou la réalisation d’un repérage à intégrer au dossier technique amiante (DTA).
Dans la liste B de l’annexe 13-9, on lit que sur différents composants de la construction (exemples : murs et cloisons « en dur », cloisons légères et préfabriquées, plafonds, gaines et coffres…), la partie de composant « enduits projetés » fait partie intégrante du programme de repérage.
Début octobre 2021, la direction générale de la santé (DGS), interrogée par un gros cabinet de diagnostic, a publié sur son site internet une question/réponse destinée à :
La réponse apportée précise que « la notion de projection se réfère à la technique d’application de l’enduit et non à son aspect de finition. Cela signifie qu’un enduit projeté puis lissé en finition entre dans la définition de l’enduit projeté et fait partie de l’activité de repérage des matériaux et produits de la liste B, réalisée par l’opérateur ». Il est également souligné la difficulté « de différencier a posteriori un enduit projeté d’un enduit appliqué manuellement ». D’où la préconisation suivante faite par la DGS : « Lorsqu’un enduit est susceptible d’avoir été projeté et qu’un doute existe quant à sa composition en amiante, il est prélevé pour analyse ».
Cette préconisation parait difficile à appliquer par les opérateurs de repérage amiante pour lesquels il est compliqué de déterminer si un enduit est susceptible d’avoir été projeté avant de subir un traitement de finition lui conférant un aspect visuel non granuleux (lissé par exemple).
Par ailleurs la réponse apportée par la DGS indique que « Le prélèvement d’enduit recouvert de peinture, papier peint ou moquette entre dans la définition des prélèvements de matériaux accessibles sans travaux destructifs figurant dans la liste B du code de la santé publique », ce qui peut également être difficile à appliquer. En effet, le décret 2011-629 prévoit que la première étape de la mission de repérage des matériaux et produits de la liste B contenant de l’amiante vise à rechercher la présence des matériaux et produits de la liste B accessibles sans travaux destructifs.
Dès lors qu’un enduit est recouvert, que ce soit par une peinture, un papier peint ou une moquette, si on se trouve dans un immeuble bâti où les murs et plafonds sont en bon état, il est impossible de savoir si ces éléments de décoration (peinture, papier peint ou moquette) couvrent un enduit, qu’il ait été projeté ou pas d’ailleurs. Comment alors peut-on considérer que ces enduits recouverts entrent dans le programme de repérage que les opérateurs doivent respecter ? Doivent-ils détériorer peintures, papiers peints et moquettes murale pour rechercher la présence d’un enduit caché ? Ces questions ont été à l’origine de nombreux débats en fin d’année 2021.
Faisant suite à une réunion des évaluateurs techniques amiante début novembre 2021, le Cofrac a adressé à l’ensemble des évaluateurs techniques, et à l’ensemble des laboratoires accrédités ou en cours d’accréditation, un courrier. Objectif, préciser certaines règles à appliquer par tous, dans le respect des exigences de l’arrêté du 1er octobre 2019 relatif aux analyses de matériaux ou produits contenant de l’amiante (applicable depuis le 1er avril 2021). Au sujet des enduits le courrier précise :
« Comme indiqué précédemment*, il est attendu qu’une séparation des constituants composant les matériaux et produits susceptibles de contenir de l’amiante naturellement présent (matériaux et produits relevant du 3) de l’article 6 de l’arrêté du 1er octobre 2019) soit réalisée en amont de leur analyse respective. Cependant, cette séparation peut s’avérer incomplète, notamment par exemple dans le cas des échantillons d’enduits du fait du faible diamètre des granulats les constituant. Il est ainsi attendu que ces types de matériaux soient traités conformément au 3) de l’article 6 de l’arrêté en réalisant une analyse au MOLP, même si les constituants ne sont pas séparables. La validation de la méthode du laboratoire devra à ce titre prendre en compte cet aspect. »
Précisons que le 3) de l’article 6 de l’arrêté du 1er octobre 2019 fait référence à une des catégories de matériaux et produits susceptibles de contenir de l’amiante que les laboratoires sont amenés à analyser : ceux qui contiennent de l’amiante naturellement présent dans les matériaux et produits manufacturés (voir encadré). La grande majorité des enduits reçus au sein des laboratoires d’analyses amiante étant des enduits provenant des immeubles bâtis, ils sont analysés comme des matériaux relevant de la portée 1) de l’arrêté du 1er octobre 2019, et pas comme des matériaux relevant de la portée 3). Certains laboratoires sont accrédités uniquement sur la portée 1. Ils analysent par conséquent des enduits selon cette portée, qui nécessite la mise en œuvre d’une méthodologie moins lourde que celle correspondant aux analyses en portée 3.
Le courrier du Cofrac a semé le doute sur la possibilité pour ces laboratoires de continuer à analyser les enduits en portée 1, ainsi que sur l’impact économique pour les clients des laboratoires s’ils devaient supporter le coût d’une analyse en portée 3. Ce qu’a écrit le Cofrac dans son courrier est exact dans la mesure où il existe certains enduits spéciaux, utilisés dans des contextes limités, qui contiennent une charge minérale contenant des fibres d’amiante apportées par cette charge. Il s’agit des enduits appelés enduits becker, cités par la direction générale du travail (DGT) dans la réponse à la question n°2 du Questions/réponses publié en juin 2021 sur le sujet de l’analyse des matériaux et des produits susceptibles de contenir de l’amiante. Ces enduits, présents en face extérieure des véhicules ou wagons ferroviaires par exemple, doivent faire l’objet d’une analyse en portée 3 par un laboratoire accrédité sur cette portée. Les enduits classiques du bâtiment peuvent quant à eux être analysés en portée 1. Ce sont ces mêmes enduits qui font l’objet de la question/réponse publiée par la DGS sur son site internet début octobre 2021.
* dans un paragraphe spécifique à l’analyse des enrobés d’infrastructures de transport
L’arrêté prévoit, au sein de son article 6, que les essais (analyses) soient réalisés par des laboratoires accrédités pour le faire. Ces essais mettent en œuvre les méthodes permettant la détection et l’identification d’amiante dans l’une ou plusieurs des trois catégories suivantes de matériaux et produits susceptibles de contenir de l‘amiante qui peut être :
On parle ainsi de trois catégories de matériaux et produits susceptibles de contenir de l’amiante, ou de trois familles, ou de trois portées d’accréditation : portée 1, portée 2 et portée 3. En effet chaque laboratoire accrédité peut l’être pour la réalisation d’analyses de l’une ou plusieurs de ces trois catégories de matériaux ou produits
Catégorie 1 = tous les matériaux et produits contenant de l’amiante des immeubles bâtis (ceux qui faisaient l’objet de la réglementation applicable avant l’arrêté du 1er octobre 2019, à savoir l’arrêté du 6 mars 2003). Ce sont des matériaux de construction qui ont été largement commercialisés à un moment où l’utilisation d’amiante comme matière première était autorisée
Catégorie 2 = les matériaux bruts, à savoir les roches amiantifères. Ces matériaux n’ont subi aucune transformation industrielle.
Catégorie 3 = la principale illustration dans cette catégorie est l’enrobé routier. Ce sont des produits manufacturés dans lesquels il n’y a pas eu d’amiante délibérément incorporé, mais dans lesquels un des constituants apporte « accidentellement » des fibres d’amiante, comme c’est le cas par l’intermédiaire des granulats dans certains enrobés routiers. Il est difficile d’identifier une liste exhaustive de matériaux et produits entrant dans cette catégorie. Tout produit comportant dans sa constitution une charge minérale est potentiellement concerné. C’est le cas de certains enduits, utilisés dans le domaine ferroviaire, appelés enduits «becker», dont la composition comprend du talc qui, selon sa provenance, peut être pollué par la présence naturelle de fibres d’amiante. Aujourd’hui assez restreinte, la liste des matériaux et produits rattachés à cette portée va probablement être étoffée au fil du temps, en fonction de l’évolution des nouvelles découvertes de présence de fibres d’amiante apportées par une charge minérale.