Un sinistre peut en cacher un autre. Avec l’incendie de Lubrizol, quelque 8 000 m2 de toiture en amiante-ciment sont partis en fumée. Malgré les discours apaisants, le risque de pollution serait cependant fortement sous-estimé selon l’Andeva (Association nationale des victimes de l’amiante).
Sachant que 8 000 m2 de toiture sont partis en fumée, qu’un mètre carré de plaque en amiante-ciment pèse environ 15 kilos, et qu’une plaque contient environ 10% d’amiante, quelle est la quantité d’amiante libéré dans l’atmosphère rouenneaise ? Résultat du petit calcul opéré par l’Andeva : 12 tonnes d’amiante se sont évaporées dans la nature.
Alain Bobbio, secrétaire national de l’Andeva, décrit le phénomène : « Quand se produit un incendie, ces plaques, portées à très haute température, explosent en libérant des milliards de fibres d’amiante dans l’air. Ces fibres, 400 fois plus fines qu’un cheveu, ultra-légères et incombustibles sont entraînées par un mouvement ascendant des gaz surchauffés qui peut les transporter sur des distances importantes, avant qu’elles ne redescendent vers le sol. »
Depuis le 26 septembre, trois campagnes de mesures d’empoussièrement ont été menées autour de Lubrizol : d’abord dans un rayon de 300 mètres, puis dans le périmètre du panache de fumée et enfin dans un rayon de 800 mètres. Avec une valeur maximale de 4,8 f/L, les analyses d’empoussièrement réalisées à Rouen restent inférieures au seuil de santé publique figé à 5 f/L. Circulez, y’a rien à voir, pour le préfet, « le risque amiante n’est pas avéré ». Analyses à l’appui.
Ces mesures d’empoussièrement sont pourtant bien loin d’apaiser Alain Bobbio. « Beaucoup de préventeurs sont très circonspects sur la fiabilité de mesures réalisées en air extérieur, car leur résultat sont souvent peu probants », indique l’Andeva dans son communiqué. « En tout état de cause, elles ne sont que la photographie de la situation à un endroit et à un moment précis. »
Ces résultats sont loin de signifier cependant une absence de risque aux yeux de l’Andeva : non seulement, l’amiante est un cancérogène sans seuil, et de plus, le seuil de santé publique apparaît aujourd’hui volontiers « obsolète ». Alain Bobbio rappelle ainsi que ce seuil de 5 f/L correspond au bruit de fond enregistré dans les années 1970 à Paris. Quarante ans ont passé, et les études ont montré que le bruit de fond était désormais inférieur à 0,1 f/L, à tel point que la Direction générale de la Santé envisage d’ailleurs d’abaisser ce seuil.